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#51 18-11-2023 12:33:33

gilles516
Membre
Lieu : Toulouse
Inscription : 10-09-2021

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Un grand merci de nous faire vivre cette aventure par ton récit. BRAVO  pouce  pouce  pouce

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#52 18-11-2023 12:35:43

*Samuel
Membre
Lieu : Strasbourg
Inscription : 03-06-2018

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Magne2 a écrit :

Je te suis depuis quelques temps ,toujours intéressant,mais tu gagnerai en confort de lecture a mettre les photos dans le texte et non après

Ok je prends note. Merci du retour et du conseil.

Dernière modification par *Samuel (18-11-2023 12:36:30)

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#53 18-11-2023 15:29:39

bruno7864
partir, partir et découvrir
Lieu : toujours dans la Lune
Inscription : 11-10-2012

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

*Samuel a écrit :

#694438

Magne2 a écrit :

Je te suis depuis quelques temps ,toujours intéressant,mais tu gagnerai en confort de lecture a mettre les photos dans le texte et non après

Ok je prends note. Merci du retour et du conseil.

Samuel, La matière que tu proposes en temps réel est déjà chouette, et doit déjà te prendre pas mal de ton temps pour nous la proposer. Pour avoir déjà tenté de le faire en route ce n'est pas évident, alors chapeau pouce et profites de ta rando.

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#54 19-11-2023 00:06:08

laxmimittal
Membre
Inscription : 23-10-2016

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

*Samuel a écrit :

#694438

Magne2 a écrit :

Je te suis depuis quelques temps ,toujours intéressant,mais tu gagnerai en confort de lecture a mettre les photos dans le texte et non après

Ok je prends note. Merci du retour et du conseil.

samuel

moi j’aime bien que tu produise ces « pavés longuement ecrits
ca me permet de voyager dans ta tete
du coup je trouve bien les photos a la fin comme pour clore la séquence

comme quoi…on a pas tous le même ressenti

mais on adore ton recit :-))

Dernière modification par laxmimittal (19-11-2023 00:06:43)


La touche Majuscule de mon ordinateur fonctionne mal.

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#55 19-11-2023 10:53:45

brons07
Membre
Inscription : 27-06-2015

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Bonjour,
je suis aussi et c'est bien intéressant...merci.

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#56 25-11-2023 17:50:03

*Samuel
Membre
Lieu : Strasbourg
Inscription : 03-06-2018

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Merci à vous pour vos retours et vos engagements ! Voici la suite avec un test en mélangeant le texte et les images.

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#57 25-11-2023 18:04:19

*Samuel
Membre
Lieu : Strasbourg
Inscription : 03-06-2018

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Croatie : Karlobag > Knin (Velebit, Nacionalni park Plakenica, rivières Zrmanja/Krupa)

24/10/2023 > 02/11/2023
197 km ; D+ 6,8 km ; D- 7,7 km

Depuis Karlobag, je souhaite sentir encore un peu l'ambiance du bord de mer. Comme il y a peu de circulation, je marche 15 kilomètres sur l'unique route qui longe la mer avant de remonter dans les montagnes du Velebit. Avec le fort vent de face qui se lève, je ne suis finalement pas tant accaparé par la présence de l'eau et des îles à proximité, dans ce paysage qui semble rester identique au fil des kilomètres, à moins que je n'en saisisse pas les variations subtiles. Entre les villages quasi-entièrement dédiés au tourisme estivale plus rentable que n'importe quelle autre activité, je croise l'envers du décors : des décharges à ciel ouvert improvisées où s'entassent des matériaux de construction, du mobilier et de l'électroménager, le tout erodé et dispersé par l'eau et le vent. Les quelques hammeaux construits ou reconstruits récemment sont déserts en octobre. L'association paradisiaque de la mer, des montagnes et des îles, se mélange avec cet environnement aride et répétitif, dans lequel se situent des stations touristiques désertes construites à toute vitesse au cours des dernières années. Cette cohabitation étrange crée une atmosphère perturbante entre beauté et hostilité, entre émerveillement et dégoût, entre plaisir et pénibilité.

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Je quitte Karlobag en longeant la mer avant de remonter dans le massif de Plakenica dans la partie Sud du Velebit.

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Entre deux villages touristiques, l'envers du décors : des décharges improvisées au bord de la route. L'occasion de regarder le JT.

Je regagne les hauteurs des chaînes montagneuse dans le parc national de Plakenica, dans le Sud du Velebit. Je grimpe alors à nouveau dans cet écosystème de pierres calcaires saillantes et abrasives, où pousse une végétation chétive mais épineuse et coriace. Le chemin existe par intermittence. Lorsqu'il n'y a que de la pierre, marcher en hors-piste est finalement similaire à suivre le sentier, mais lorsque la végétation apparaît ce n'est pas la même affaire. À plusieurs reprises, je m'égare dans celle-ci et progresse très péniblement en m'énervant au fur et à mesure que la pluie et le vent s'installent et s'intensifient. Il m'arrive de penser orgueilleusement que le sentier n'existe pas alors que je l'ai perdu. Alors quand je le retrouve, après le mélange de soulagement et d'humilité imposée, je m'attelle à le suivre méticuleusement. Je finis l'ascension par quelques heures de marche sous la pluie et le vent dans la nuit noire, éclairé par ma lampe frontale allumée au minimum, m'arrêtant de temps en temps pour regarder les lumières de la ville de Zadar au loin, et prendre conscience de l'endroit dans lequel je suis. Comme celui-ci est répétitif et qu'il fait nuit, j'avance pour me diriger vers ma destination et ma motivation : une nouvelle cabane. C'est le genre de moments, nombreux, où je mets la notion de temps en suspens. J'avance, je ne regarde la carte que si nécessaire, pour ne pas savoir où j'en suis et oublier aussi les notions de kilomètres marchés et restants. Je marche hypnotisé, pensant à tout va et ne pensant à rien aussi. C'est le genre de moments où je peux me poser des questions comme "Est-ce que j'apprécie ?", "Est-ce que ça fait partie des moments plus ou moins rudes à vivre, inhérents à la marche au long court ?", "Si je ne les apprécie pas, puis-je les apprécier ou les éviter ?", "Doivent-ils remettre quelque chose en question ?". Mais je peux aussi tout aussi bien ne pas me poser ces questions, simplement vivre et rendre flou ou obsolète la question du plaisir. Quoiqu'il en soit, ce moment par exemple n'est pas assez rude pour être difficile, et je suis satisfait qu'il ne me procure pas de doute. D'une certaine façon je suis à ma place. Chacun a ses moments de doutes, les miens sont ailleurs. Arrivé sur la crête, j'entre dans un vent puissant qui souffle un brouillard épais et une pluie à grousse gouttes, le combo qui refroidit bien plus qu'une température négative. Mon corps étant chaud, j'ai juste à ajouter ma capuche et des gants pour ne pas me refroidir. Je marche la tête baissée pour ne pas perdre le sentier dans ce brouillard aveuglant, jusqu'à ce que la cabane apparaisse comme par miracle et m'arrête de marcher. Sachant que je passerai la nuit dans cette cabane, il est aussi satisfaisant d'évoluer dans une telle météo sans m'inquiéter. La PS Šugarska Duliba fait partie des cabanes modernes récemment construites, ingénieusement conçues et optimisées. L'isolation est incroyable : je brûle quatre bûches dans le poêle, et la température grimpe de dix degrés qui diminueront à peine durant la nuit. Une fois de plus, je reste dans cet abri confortable le lendemain pour laisser passer la mauvaise météo et m'adonner à d'autres activités.

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Planinarsko sklonište Šugarska Duliba, une cabane récente très bien conçue où je passe une journée pendant que c'est la tempête sur les crêtes.

Les jours qui suivent sont eux aussi rythmés par la météo et la présence des cabanes. Je n'ai pas de rythme stable ni de journée type. Je décide et m'adapte au fur et à mesure. En sortant du parc de Plakenica, le paysage transitionne vers des montagnes plus arrondies, nues ou couvertes de pins intermédiaires entre des arbres et des arbustes. La vue se dégage et le vent soufle fort, parfois très fort. Lorsque ces conifères sont proches, le bruit du vent qui les traverse m'avertit des bourrasques qui m'atteignent juste ensuite. Selon si le relief me protège du vent ou non, je passe successivement de la tranquillité aux rafales, de la sensation de chaud à froid, adaptant continuellement mes vêtements accessoires. Le relief s'adoucit ensuite progressivement, et de la même manière que le temps s'étire lorsqu'on ne court pas après, le paysage s'étire et laisse s'épanouir de grandes plaines d'altitude aux allures de steppes. Il y a peu de végétation, de rares habitations ou hameaux énigmatiques, et beaucoup d'espace. Des ruines de bâtiments en pierres presques disparus semblent témoigner d'une époque où il y avait là une activité pastorale.

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Dans le Plakenica, le relief s'adoucit et les forêts laissent progressivement la montagne nue, alors balayée par des vents forts.

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Un coucher de soleil coloré dans le brouillard et le vent.

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Le relief s'étire ensuite davantage et je traverse d'immenses plaines d'altitude où je me sens... loin.

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De ces hauteurs sur lesquelles je pourrais encore marcher quelques dizaines de kilomètres, je descends à Obrovac pour me ravitailler. Je retrouve une nouvelle fois ces roches abrasives et ette végétation épineuse, mais cette fois qui s'étendent jusqu'à l'horizon tout autour de moi. Je suis impressionné par ce qui m'apparaît être un désert, que je vais traverser. Depuis Obrovac je suis la rivière Zrmanja puis son affluent la Krupa. Dans une immensité plate et calcaire, ces deux rivières forment le seul relief qui interrompt la régularité de l'endroit par les canyons qu'elles ont creusés. Au fond de ces sillons de 200 mètres de profondeur coule une eau turquoise, qui par à-coups tombe en cascades comme dévalant un escalier. Une journée je descends en bas de ce canyon pour longer la rivière Krupa sur une dizaine de kilomètres, mais son niveau étant particulièrement haut à ce moment-là, le sentier visé se trouve en bonne partie immergé. Je me retrouve à marcher dans l'eau, escalader des pierriers, me frayer un passage à travers la végétation si dense que je suis impressionné à l'idée que les sangliers la traversent sans encombre. Lorsque je comprends que cela ne s'améliorera pas et après deux heures de galère de nuit, je remonte sur le plateau où je marcherai sur la route le lendemain, inutile d'insister. Ce jour là j'ai marché 13 kilomètres en huit heures de marche.

Je suis surpris du contraste de la région avec les montagnes du Velebit et la côte touristique voisines. Je croise quelques habitations modestes où vivent principalement des éleveurs. Le bétail est laissé en liberté pour se nourrir. Je me demande vraiment comment des chèvres et surtout des vaches arrivent à se nourrir suffisamment en glanant le peu d'herbe et les feuilles des arbustes, mais force est de constater que c'est le cas. Au bord de la route sont présents quelques campings et restaurants, eux aussi fermés en cette saison. Les croates avec qui j'ai discuté me disent que le tourisme a explosé au cours des cinq dernières années, au point de transformer radicalement des villes comme Split ou Dubrovnik en période estivale, de dédier la majeure partie des logements à la location, et d'accaparer la quasi-totalité de l'activité économique, au détriment d'autres secteurs comme l'agriculture.

De manière générale dans cet endroit, en l'absence de route ou de piste, je suis aussi frappé d'à quel point un environnement peut être naturellement hostile pour l'être humain. Ces cailloux biscornus qui me font tituber, maltraitent les chevilles et attaquent les semelles, les épines des plantes qui arrivent à traverser mes chaussures, tous ces insectes géants (papillons de nuit, sauterelles, chenilles) qu'on dirait sortis d'un film de science-fiction, et en plus la présence de la vipère à cornes, considérée dit-on comme la plus venimeuse d'Europe. Après m'être embourbé à plusieurs reprises dans des pistes en voie de disparition faute d'être utilisées, je privilégie la route. Une fois dessus, il est agréable de marcher aisément et de traverser ce désert en observant défiler la végétation de part et d'autre, en prêtant attention aux détails et en wagabondant dans mes pensées. Pour la nuit, la région et sa faune me dissuadent de dormir sous le tarp qui serait d'ailleurs fastidieux à planter sur ce sol. Je marche jusqu'à trouver un abri d'adoption, comme les terrasses des restaurants et des maisons de vacances fermés à cette période.

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Dans le sud du pays, je traverse une grande région presque désertique où quelques rivières creusent des canyons dans le sol toujours calcaire.

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La veille d'arriver à Knin, je m'apprête à dormir sans grande conviction dans une maison abandonnée, puis vois un restaurant sur ma carte à deux kilomètres de là. Sans savoir s'il sera ouvert, je tente ma chance au moins pour y passer la soirée. Dans le petit village de Monkro Polje, je partage ainsi la soirée avec un groupe de serbes dans l'unique bar-restaurant des alentours. La gérante me propose de dormir dans l'école du village, abandonnée depuis la guerre. Sachant que j'ai un logement, je peux profiter de la soirée sans me soucier ni de l'heure ni de l'après. J'écoute les chants serbes chantés avec passion par quelques hommes qui m'offrent des coups de rakija et me remplissent mon verre dès qu'il est vide, si bien que je finis par décliner pour aller me coucher avant eux. Je me réveille engourdi, réalisant que j'ai bu un peu trop de rakija sans manger assez... Je repasse au restaurant où je mange un plat de viande surdimensionné pour mon estomac, qui me plombe plus qu'il ne me requinque. Je repars tardivement en direction de Knin, d'abord faible et m'enlysant à nouveau dans la végétation de pistes qui n'existent plus. Je finis progressivement par reprendre des forces et trouver une piste fiable pour gagner la ville où j'arriverai de nuit. Peu de temps avant d'arriver, je décide que je passerai une nuit à l'hôtel. Puis une fois à l'hôtel, je décide d'y passer finalement trois nuits pour laisser passer deux jours de pluie et me reposer. Je repartirai ensuite vers le massif du Dinara, d'où je passerai en Bosnie-Herzégovine.

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Dernière modification par *Samuel (25-11-2023 18:26:48)

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#58 27-11-2023 06:59:48

Clara-xos
Membre
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Wahou super aventure !
Merci du partage c'est génial big_smile

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#59 28-11-2023 01:04:24

*Samuel
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Inscription : 03-06-2018

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Croatie : Knin > frontière bosnienne (montagnes Dinara)

06/11/2023 > 10/11/2023

101 km ; D+ 3,4 km ; D- 2,2 km

Trois jours d'arrêt à l'hôtel à Knin me confirment que ce n'est pas le type d'environnement le plus épanouissant pour moi. Surtout dans une ville où je ne connais personne, j'ai tendance à rester dans mon logement et à déstabiliser mon horloge biologique. Le repos est alors plus bénéfique pour les muscles que pour les neurones. Contrairement à dans une cabane, j'ai du mal à faire des choses qui me font du bien et le temps m'échappe. Ce n'est pas agréable mais ce n'est pas grave et contribue finalement à me connaître. Heureusement au moment de quitter la ville, je rencontre par hasard Viktor et Bernard qui m'invitent au restaurant et avec qui je partage un moment de rencontre, d'enthousiasme, de convivialité. Je ne serai pas passé ici comme un fantôme.

Je quitte la ville avec six jours de nourriture, mon maximum entre deux ravitaillements, bien qu'il soit toujours possible de faire plus si nécessaire. Je me dirige vers un nouveau massif : les montagnes Dinara, qui forment une frontière naturelle avec la Bosnie-Herzégovine. Pour m'y rendre, je longe la rivière Krčić puis traverse une zone de plaines, plutôt désertes mais à présent avec plus d'herbe, moins d'arbustes, quelques pâturages, et les montagnes qui s'élèvent derrière. Une fois dans ce massif, l'environnement est similaire mais avec du relief : ce sont d'immenses étendues nues, couvertes d'herbes, sans arbres, sans lacs, sans rivières. Le sol calcaire forme toujours ces cratères autrement impressionnants que dans les forêts du Velebit. C'est beau, grand, paisible, tout en apercevant parfois les villes en contrebas dans la vallée non loin. Je marche complètement seul sur des pistes dans ce qui m'apparaît être une immensité, qui m'offre néanmoins un paysage dynamique grâce à son relief. Je suis surpris qu'il n'y ait pas d'élevage, pas de bergerie. Les nuits sont de plus en plus fraîches, la pluie et le vent de plus en plus fréquents. Je dors deux nuits dans des refuges non gardées qui sont les seuls endroits où il est possible de trouver de l'eau grâce aux collecteurs de pluie. Serait-ce une raison de l'absence d'élevage ? Je me demande d'ailleurs souvent comment les animaux sauvages s'abreuvent dans ce type d'habitat.

Je croise une seule cabane habitée. Lors de mon passage à quelques centaines de mètres de celle-ci, la personne à l'intérieur tire à deux reprises un coup de fusil en l'air, qui brisent le calme de l'endroit de façon si déconcertante et violente, que j'en sursaute comme cela m'est rarement arrivé. Avec la peur et le racisme envers les migrants que j'ai entendu et dont j'ai même été directement témoin, je me demande forcément si cela a un rapport, si cela m'est adressé, ou n'a rien à voir. C'est un lieu de randonnée fréquenté par les croates tout de même. Je ne saurai jamais. Je ne suis pas tranquille tant que cette cabane est dans mon champ de vision. La veille dans la plaine, un 4x4 de police sorti de nulle part s'arrête pour contrôler mon passeport peu après que j'ai vu la seule personne de la journée. Plus tard je me demande si cette personne a appelé la police en me voyant de loin. C'est possible, mais pas du tout certain, je n'en sais rien. Si racisme il y a, je n'ai pas envie d'y répondre de la même façon. Le lendemain de nouveau, un 4x4 de police qui patrouille dans la montagne s'arrête pour contrôler mon passeport, et me disent d'un ton qui veut me prendre à partie une fois avoir vu mon identité française, qu'ils ont des problèmes avec les migrants. À nouveau ce sont les seules personnes que je vois de la journée.

Pour franchir la frontière et passer en Bosnie-Herzégovine, je fais en sorte de passer par une route et un poste-frontière car je quitte l'espace Schengen. Je passe ma dernière nuit en Croatie sous mon tarp, l'unique fois dans ce pays ! Après une nuit pluvieuse légèrement sous 0°C, je plie le tarp et me lance dans la marche sous une pluie qui ne s'arrêtera pas jusqu'au lendemain. Après un généreux verre de rakija offert à la volée par un croate dans sa cabane, je marche joyeux sous la pluie, heureux de me sentir dans cette marche et de me diriger vers un nouveau pays. À l'approche de la route qui marque la frontière, un nouveau policier croate vient à ma rencontre pour contrôler mon passeport. Je suis souriant mais lui pas du tout. Il me pose des questions mais ne parle pas anglais, et moi pas croate. Il garde mon passeport et m'oblige à le suivre, se retournant sans arrêt comme pour vérifier que je ne m'enfuis pas. Arrivés à la route, il rentre dans la voiture où l'attend son collège et je reste à l'extérieur. Son collègue qui parle brièvement anglais me pose des questions et nous nous repérons les mêmes choses. Je lui dis que je vais en Bosnie-Herzégovine et que je passe par ici pour me rendre au poste-frontière. Il me dit que je suis illégal et que j'aurais dû passer par le poste-frontière croate un kilomètre en amont pour quitter le pays. Bien que ce soit un policier-douanier, je suis sceptique, à ma connaissance ce n'est pas le cas. Il me dit aussi que je suis illégal jusqu'au poste bosnien situé un kilomètre après la frontière, comme si je pouvais m'y téléporter... De plus c'est faux, je pourrais aussi m'enregistrer dans un commissariat dans les 24h après mon entrée dans le pays. Les policiers remontent la vitre de la voiture et me laissent ainsi attendre sous la pluie une vingtaine de minutes, l'un me regardant pour vérifier que je ne m'enfuis pas, l'autre passant de multiples coups de téléphone et inspectant mon passeport dans tous les sens comme pour débusquer qu'il s'agit d'un faux, et moi pas inquiet car je suis dans mes droits mais saoulé car je ne sais pas combien de temps va durer cette mascarade. Enfin il baisse la vitre et me tend mon passeport en l'agitant comme on ferait languir un chien en lui donnant un biscuit, toujours d'un air méfiant et hésitant, puis se ravise et me fait signe de monter dans la voiture pour m'emmener au poste croate. Dans la voiture, cette homme en uniforme, flingue à la ceinture, conduisant trop vite, me lance :  "Paris to much muslims too" avant de s'esclaffer de rire, si fier de sa blague.

Au poste-frontière où travaillent une dizaine de policiers, on m'emmène dans le petit bâtiment où sont les bureaux avant de m'y repousser de la main en voyant que mes chaussures boueuses pourraient salir l'endroit. J'attends à nouveau sous la pluie. Le "big-boss" arrive enfin, le seul à ne pas être en uniforme et à vraiment parler anglais. Je lui explique ce que je fais et lui montre même ma page facebook pour lui prouver. Je reste néanmoins toujours suspect. On fouille de fond en comble mon sac-à-dos où tout est méticuleusement rangé comme les outils d'un atelier. À chaque objet non identifié on me demande de quoi il s'agit, pensant avoir enfin trouver la drogue que je cacherais. Je fais remarquer que les voitures qui passent pendant ce temps, qui sont tout de même plus pratiques pour transporter de la drogue, ne se font pas fouiller elles. Pendant tout ce temps je me dis intérieurement "C'est bon vous l'avez vu mon passeport français, foutez-moi la paix !", comme si ce privilège qui relève de l'injustice et de la loterie m'était dû. Une fois s'être rendu à l'évidence que je ne suis ni un migrant illégal avec un faux passeport, ni un trafiquant de drogue habilement déguisé en randonneur, on me tend timidement mes affaires au fur et à mesure que je réorganise mon sac-à-dos, comme pour un exprimer indiciblement une petite gêne, un micro-pardon, mais pas trop quand même, c'est pas le genre de la maison. Pendant ce temps le big-boss me demande si je n'ai pas peur en faisant ce voyage. Je lui répond que non, que je n'ai peur de personne, sauf des personnes qui ont peur de moi. C'est vrai, ce sont les seules situations où en retour, mon imagination peut à moi aussi me faire peur, certainement de façon tout autant irrationnelle.

On me rend alors enfin mon passeport que je peux aller présenter à la personne en charge de le contrôler. Il le regarde simplement et me le rend. Après qu'on m'ait rabâché que cela était obligatoire, je lui demande de le tamponner. Il me répond d'un ton agacé que ce n'est pas la peine puisque je viens d'un pays membre de l'espace Schengen, c'est au poste bosnien que cela sera nécessaire. J'étais bien dans mes droits depuis le début, et n'avais pas à passer par ici. En voyant le big-boss repartir dans sa belle voiture de fonction, je lui demande "On ne me ramène pas là où on m'a pris ?", ce à quoi il me repond "Tu ne voyages pas à pieds ?" avant d'appuyer sur l'accélérateur.
Allez salut, pauvres types.

Pendant les deux kilomètres jusqu'au poste-frontière bosnien, je me demande bien à quoi vais-je avoir droit là-bas. J'y arrive au bout d'une longue ligne droite où le suspens grandit. Je découvre un petit mobil-home entre les deux voies de la route, avec une seule personne à l'intérieur. Il ouvre la fenêtre, prend mon passeport et le tamponne sans interrompre son appel téléphonique en cours, puis me le rend en me disant "Bon voyage !" en français. Voilà, ça a pris dix secondes.

Il me reste encore une bonne section de marche sur la route puis en forêt pour atteindre une cabane où je passerai cette première nuit en Bosnie-Herzégovine. La pluie battante est continue, alors je ne m'arrête pas pour éviter de me refroidir. J'aurai ainsi marché 30 kilomètres d'une traite, entrecoupés par la péripétie policière. Je suis heureux d'arriver dans cet abri plus qu'apprécié par cette météo. Malgré mon équipement, je suis mouillé après une journée pareille. Après avoir coupé du bois, allumé le poêle, m'être lavé et étendu mes affaires à sécher, je mets la musique au maximum depuis mon téléphone et danse pour célébrer cette nouvelle étape. Le sommeil ne tarde ensuite pas à me gagner.

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Slap Krčić (la cascade de la rivière Krčić), en quittant la ville de Knin.

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Dans les montagnes Dinara, un grand massif nu couvert d'herbe.

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Comme dans le Velebit et ailleurs, le sol calcaire forme de grands cratères.

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Sur la frontière ainsi que dans certaines régions de Bosnie-Herzégovine, le déminage n'est pas achevé depuis la fin de la guerre. Les zones concernées sont indiquées par des panneaux. Le déminage est extrêmement cher, dangereux, et énergivore.

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Entre les deux poste-frontières

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J'arrive enfin dans une cabane pour ma première nuit en Bosnie-Herzégovine après une journée sous la pluie.

Dernière modification par *Samuel (28-11-2023 08:47:14)

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#60 28-11-2023 07:45:01

foxof
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Inscription : 15-05-2022

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

*Samuel a écrit :

#694888Croatie : Knin > frontière bosnienne (montagnes Dinara)

06/10/2023 > 10/10/2023

101 km ; D+ 3,4 km ; D- 2,2 km

Mmmh, ya ptet une petite erreur de date non? big_smile


"Une fois là-haut, il n'y a plus qu'à continuer"

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#61 28-11-2023 08:32:40

patou
Membre
Inscription : 11-05-2014

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

foxof a écrit :

#694889

*Samuel a écrit :

#694888Croatie : Knin > frontière bosnienne (montagnes Dinara)

06/10/2023 > 10/10/2023

101 km ; D+ 3,4 km ; D- 2,2 km

Mmmh, ya ptet une petite erreur de date non? big_smile

Non.

@Samuel pouce


Mul part ailleurs

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#62 28-11-2023 08:47:49

*Samuel
Membre
Lieu : Strasbourg
Inscription : 03-06-2018

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Corrigée. smile

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#63 28-11-2023 14:03:52

patou
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

patou a écrit :

#694890

foxof a écrit :

#694889

*Samuel a écrit :

#694888Croatie : Knin > frontière bosnienne (montagnes Dinara)

06/10/2023 > 10/10/2023

101 km ; D+ 3,4 km ; D- 2,2 km

Mmmh, ya ptet une petite erreur de date non? big_smile

Non.

Ah mais oui : en novembre ! (Et même bientôt décembre) lol
Sorry foxof  wink


Mul part ailleurs

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#64 28-11-2023 14:32:05

*Samuel
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

De la Croatie à la Bosnie-Herzégovine

Entre la Slovénie et la Bosnie-Herzégovine, j'ai passé presque un mois en Croatie où j'ai marché 470km avec 17km de dénivelé. Tout comme en Slovénie, la traversée de la Croatie a été marquée par l'automne. La couleur des forêts, l'épaisseur de la couche de feuilles déjà tombées au sol, des températures fraîches mais rarement très froides, beaucoup de pluie et de vent, et toujours des journées ensoleillées surprenantes et savoureuses. J'ai la sensation d'être passé par trois régions du pays. Les montagnes du Velebit avec ses forêts impressionnantes et ses vues sur la mer Adriatique où je suis aussi descendu, les grands espaces arides entre Obrovac et Knin, et les montagnes Dinara qui offrent aussi une sensation de grandeur. Trois régions très différentes dans leur atmosphère, leur relief et leur végétation, avec aussi plusieurs éléments permanents comme l'éternel sol calcaire. Et bien qu'il soit toujours tentant de séparer et de ranger, les transitions entre ces régions sont progressives et il en existe en réalité une infinité.

Après huit mois et demi de marche depuis le Sud de l'Espagne, je quitte pour la première fois l'union européenne (à part les quelques passages en Suisse dans les Alpes) en entrant en Bosnie-Herzégovine. Je suis heureux de cette nouveauté qui s'offre devant moi, d'être dans ce pays qui m'attire depuis longtemps sans toutefois en connaître grand chose. L'hiver se fait toujours plus proche et les dernières nuits préviennent que son installation est imminente. C'est parti !

Mon itinéraire en Croatie est consultable et téléchargeable ici : https://link.locusmap.app/t/rfvits

Et comme d'habitude, quelques photos supplémentaires prises dans le pays.

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Edit : photos

Dernière modification par *Samuel (28-11-2023 14:42:20)

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#65 27-12-2023 13:34:07

*Samuel
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Bosnie-Herzégovine : frontière croate > Risovac (montagnes Dinara et Blidinje)

11/11/2023 > 17/11/2023
102 km ; D+ 3,5 km ; D- 3,6 km

Je passe ma première nuit en Bosnie-Herzégovine dans cette cabane bienvenue. J'y entends la pluie et la grêle qui se fracassent sur le toit, ainsi que l'orage retentissant qui frappe dans un rayon de 300m. En colocation avec une communauté de souris qui habitent les lieux et dont je suis l'invité, je suis dans un concort infiniment satisfaisant en comparaison à l'idée de dormir dehors. Il y a une chose que je n'entends pas pendant la nuit, une chose inattendue qui sait habilement s'installer dans un silence et une discrétion surprenantes pendant mon sommeil. Le matin en me réveillant, j'ouvre la porte de la cabane les yeux encore à moitié clos, et lâche en grand "Mais non !" spontané en découvrant l'épaisse couche de neige qui a recouvert le paysage pendant que je dormais. Ça alors, la météo ne l'avait pas prédit. Par cette météo et en ces lieux, j'avais inconsciemment écarté la possibilité de rencontrer des confrères humains, et suis alors surpris de voir tout à coup un groupe de jeunes croates débarquer dans la cabane au milieu de leur randonnée journalière. Nous passons un très bon moment, ça fait plaisir de rencontrer des jeunes de mon âge et de pouvoir échanger aisément en anglais, de parler du pays, de nous, de tout, de rien. Ils m'offrent un bon repas chaud et quelques victuailles qui me permettront de partir en milieu de journée et de tenir une journée de plus jusqu'au prochain ravitaillement.

Après ce moment joyeux et chaleureux, je m'élance sous la neige qui a entrepris d'épaissir la couche tombée pendant la nuit. Après une montée en forêt, je marche sur une crête entre 1500m et 1800m quasi-concomitante avec la frontière croato-bosnienne, qui marque également l'extrémité Est des montagnes Dinara. La neige devient alors plus épaisse, les nuages recouvrent entièrement le  lieux balayé par le vent qui déplace la neige d'un versant vers la crête, épaississant davantage la neige sur cette ligne d'altitude, tel un enfant qui voudrait construire le plus gros château de sable jusqu'aux limites de la physique ou de ses forces. Quitte à marcher avec une visibilité de 10m, je décide de ne pas marcher sur la crête elle-même mais une centaine de mètres en-dessous pour moins subir le vent. Satisfait au début lorsque le terrain est suffisamment plat et enneigé pour être pratiquable chemin ou pas, cela s'avère ensuite une fausse bonne idée lorsque je me retrouve à marcher dans des buissons qui m'arrivent jusqu'au torse, et me résigne à remonter péniblement sur la crête pour retrouver le chemin que j'avais délaissé. Bien que j'évolue à travers les nuages et qu'il soit objevtivement dommage de ne pas bénéficier de la vue de part et d'autre de la crête, je ne suis pas frustré car d'une part c'est ainsi, et d'autre part il est aussi agréable et stimulant de marcher avec suffisament d'aisance dans ces conditions, de me sentir bien en ces lieux et cette météo impressionantes avec mon corps, mon équipement léger et mon savoir-faire. Il s'agit même d'un très bon moment, enivrant et important. Je suis absolument seul. Je ne croise que des traces d'animaux sauvages, notamment de nombreuses empruntes de loups dans la neige. Ils sont bien là, autour de moi. Ils me sentent et me voient, mais pas moi. Nous marchons dans le même endroit à quelques heures d'intervalle, mais à moins d'y consacrer la compétence et la patience, la probabilité de les apercevoir est infime. Je me contente de voir leurs traces et de savoir qu'ils sont là. Autant les accidents avec les ours sont exceptionnels, ceux avec les loups sont inexistants. Pourtant le mythe sur le danger et la peur du loup sont irrationnellement persistants. Pour autant le rapport entre ours, loups, et troupeaux en estive, c'est une autre histoire.

Je marche ainsi plusieurs heures et alors que je n'espérais pas que les nuages se dissipent et la vue se dégage, cela arriva contre toute attente à mon grand bonheur ! L'atmosphère s'en voit soudainement transformée. Je vois d'où je viens, là où je vais. Les versants de part et d'autre se découvrent, les distances se raccourcissent, tout cela fait du bien aux yeux. D'un côté je vois le polje de Livno, une vaste depression karstique qui forme une plaine inondable de 50km de long, qui contraste avec la ville de Livno et les montagnes aux sommets enneigés qui entourent la zone jusqu'à l'horizon. De l'autre côté en Croatie, les montagnes Dinara s'aplatissent en colines éclaboussées par le soleil déjà rasant en milieu d'après-midi, et au loin apparaît un morceau de mer Adriatique que je ne pensais plus revoir, étincelant et saturé lui aussi par le rayonnement solaire. Derrière et devant moi, je vois la crête saillante enneigée sur laquelle je marche aujourd'hui. Le vent s'est arrêté, la vue est prodigieuse tout autour de moi, j'ai une chance inouïe. Je regarde, partout, je photographie, je marche, je m'arrête, encore et encore, il est parfois aussi jouissif qu'ardu de saisir de tels moments de grâce. Plus loin, j'arrive à l'orée d'une descente qui précède un magnifique sommet enneigé et éclairé par la lumière orange et horizontale de fin d'après-midi, la suite de mon chemin. Je ressens à ce moment un sentiment troublant et désanchanteur. Tout cela est si beau, généreux, finalement indescriptible, peut-être trop pour le vivre égoïstement seul. Je m'offre les moyens de réaliser ce rêve personnel, que je peux regarder avec sa part fructueuse d'accomplissement qui a du sens, mais aussi avec sa part de désillusion pour ce bonheur solitaire certes réel mais fantasmé, souvent triste. Voilà un vrai un moment de doute. Bon, je suis là. Après un moment de constat et d'errance dans mes pensées, je dévale la descente comme une dune de sable grâce la poudreuse fraiche. Encore une montée et un bosquet à traverser, et j'arrive à la petite cabane visée pour cette demi-journée de marche.

Aujourd'hui j'ai marché seulement sept kilomètres, mais sept kilomètres intenses ! Il est environ 15h30, c'est la bonne heure pour m'arrêter et faire mes tâches quotidiennes pendant le temps de jour restant, avant de passer en mode soirée. Cette fois j'allume le feu directement en arrivant avec le bois laissé à l'intérieur, pour chauffer le lieu et me laver à l'eau tiède une fois le stock de bois constitué. En hiver, le confort d'une cabane dépend principalement de deux choses : la qualité du poêle et la qualité de la scie. Lorsque le poêle est parfaitement fonctionnel et la lame de la scie récente, c'est du pur bonheur. Lorsque le poêle fume car il n'est pas entretenu voire devrait être remplacé, ou que la scie est devenue un couteau à beurre, c'est frustrant. Ainsi avec la même énergie, je coupe quatre fois moins de bois ce soir que la veille. Le poêle fonctionne bien au début, puis le conduit qui accumule des réparations de fortune se met à fumer, si bien que j'éteindrai le feu avec de la neige. Après ma corvée de bois avec les derniers rayons de soleil sur la neige gelée, quel plaisir de sentir la différence de température en rentrant dans la cabane qui s'est déjà réchauffée. Je regarde mon thermomètre : 0°C. Bon, je vais charger le poêle et mettre le tirage au maximum. Entre cuisine, écriture, et wagabondage dans mes pensées, je ne vois pas la soirée passer.

Le lendemain je refais une demi-journée de marche jusqu'à la cabane que je visais la veille avant de rencontrer les croates. C'est bien aussi, les demi-journée de marche dans la neige en prenant tout mon temps, suivies d'une soirée en cabane, là aussi en ayant tant de temps à ma disposition. Cette fois la météo est ensoleillée, sans vent, à peine troublée par une chute de neige. La vue est dégagée, il est surprenant de marcher sur une crête enneigée en voyant en contrebas des habitations et un grand axe routier. Avant de descendre en forêt et quitter la neige, je vois le grand lac de Buško, un des plus grands lacs artificiels d'Europe, le long duquel je marcherai le jour suivant. Bien que je sois en Bosnie-Herzégovine depuis trois jours, les montagnes se fichent des frontières et je considère que j'entre réellement dans ce pays lorsque je descends sur les routes et dans les villages autour du lac. Entrer dans un nouveau pays me procure toujours un petit mélange d'excitation et de timidité. En soit il n'y a pas de changements majeurs, la langue reste la même et je ne la parle pas davantage, mais descendre dans la vallée et arriver en ville m'expose néanmoins à des nouveautés, le temps de trouver quelques nouveaux repères. Une fois descendu et arrivé au bord du lac Buško, je marche 25km pour arriver de nuit à Tomislavgrad. Pendant le coucher de soleil, je surplombe une grande plaine avec au loin derrière les montagne Blindije, là où je marcherai dans quelques jours. Arrivé à Tomislavgrad, j'achète une carte SIM locale, retire des marks, et une fois ces missions accomplies, je réserve deux nuits d'hôtel pour une journée off et check-up.

En sortant de Tomislavgrad et pour me diriger vers le parc de Blidinje, je choisis de traverser la grande plaine par son centre à travers des pistes plutôt que par la route. Au début bucolique, cette traversée devient rapidement laborieuse par la pluie qui arrive et surtout par l'endroit qui devient de plus en plus marécageux. Au début je m'applique à naviguer entre les zones les moins humides, puis me résigne et accepte de marcher les pieds entièrement immergés. Je constate que j'ai davantage froid et qu'il m'est plus difficile de marcher dans ces conditions à côté de la ville, qu'il y a quelques jours sur une crête enneigée par une température négative. Après 5km je me retrouve bloqué par une rivière que les pluies récentes ont rendu trop large pour pouvoir la traverser. Je fais demi-tour et marche à nouveau 5km dans le marécage jusqu'à rejoindre la route à la sortie de la ville. C'est la fin d'après-midi et je suis à 2km de mon point de départ. Je m'élance alors sur la route en compagnie des voitures avec le soleil couchant. Je force légèrement sur mes capacités, dans l'espoir et l'attente de trouver un endroit que je jugerai satisfaisant pour dormir. Après 8km je trouve enfin une chapelle dans un cimetière dont le porche fera parfaitement l'affaire. Avant de m'installer je décide d'aller jeter un œil à l'unique bar du coin à moins d'un kilomètre. J'y rencontre des jeunes avec qui je passe la soirée, voilà qui fait plaisir. L'un d'eux me propose de dormir dans l'appartement qu'il loue habituellement l'été, j'accepte.

Le lendemain je souhaite dormir au bord du grand lac Blindije situé sur un plateau d'altitude, avant d'entrer dans le cœur du massif. J'y arrive à nouveau dans la nuit noire et imagine découvrir le lieu avec mes yeux au réveil. Cependant le vent est bien trop fort dans cette vallée d'altitude et je continue de marcher jusqu'à trouver, juste avant que la pluie ne s'installe pour la nuit, la terrasse d'une maison en construction où m'abriter pour la nuit. Au petit matin le vent change de direction et la pluie arrose alors mon visage et mon sac de couchage, me réveillant prématurément sans possibilité de traîner au lit. Au moins je peux partir dès l'aurore pour une grande journée de marche sous une pluie fine et régulière annoncée. Après avoir monté 500m, la pluie s'intensifie par moments puis se transforme en neige. Un orage gronde à moins d'un kilomètre, il s'obstine à se manifeser à chaque fois que je le crois finis. Je m'arrête un moment sous des petits sapins pour laisser passer l'averse de neige et l'orage. La météo est plus rude qu'annoncée, je peux alors m'attendre à ce qu'elle s'améliore. En patientant sous mon poncho, le regard vague entre les flocons, je considère les nuages gris se déplacer sur les sommets, et me surprends à avoir soudainement l'idée de redescendre. Cette idée bien que frustrante me convaint rapidement. Je me pose la question de ce qu'il serait advenu de la météo là-haut, mais cela n'a pas grand intérêt et je n'en saurai rien. Je me retrouve alors à marcher sans vraiment savoir où aller ni où je passerai la nuit. Après plein de micro-décisions, je finis par passer la nuit à Risovac dans le complexe hôtelier de la station de ski du Blidinje. Moi qui était parti pour deux jours engagés dans les hauteurs, me voilà dans ce lieu loin de mon désir. En arrivant je découvre avec stupéfaction le village-vacance qui se construit autour de la station touristique qui grossit. De grandes maisons dans lesquelles on pourrait vivre à dix se construisent en formant un quadrillage morbide, dans une forêt au fur et à mesure rasée. De telles maisons juste pour des vacances accessibles à une faible proportion du pays. C'est le genre d'endroits qui me fait croire que l'on rationnera nos ressources en énergie de façon intelligente que lorsqu'on subira suffisamment les conséquences de leur consommation sans limites. Tant qu'on ne choisit pas collectivement de se limiter et que c'est rentable à court terme, on y va, même si c'est un mauvais pari sur l'avenir.

Puisqu'un vent fort est annoncé demain, je reste là deux nuits pour monter dans le cœur du Blidinje dans de parfaites conditions météo. Comme pour les jours qui suivront, jusqu'à présent toutes les journées passées en Bosnie-Herzégovine ont leurs lots de beaux moments et de difficultés. Pour le moment ça vaut le coup.

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Première journée dans le pays dans la neige tombée par surprise au cours de la nuit.

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Sur la crête entre la Croatie et la Bosnie

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Confortable malgré les conditions

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Le vent et la neige déposent toujours ces épaisses couches de glace sur le moindre support.

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La vue se dégage soudainement.

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Le grand luxe par -10°C

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Au-dessus de la plaine de Livno, face à la Bosnie-Herzégovine

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Une après-midi dans les marécages en quittant Tomislavgrad. Si j'avais su, j'aurais directement marché sur la route.

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Entrée dans les montagnes Blidinje avec le lac du même nom.

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#66 27-12-2023 17:08:32

tacheton
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

ouch ça pique; merci pour ton récit.
Comment te guides tu dans ces pays ? pour trouver toutes ces cabanes? parce que là dehors plusieurs jours d'affilé ça doit piquer.

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#67 27-12-2023 17:32:54

ludof
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Merci pour ce récit qui rythme ta progression vers l'est, pas sûr que je t'envie maintenant que l'hiver est là, mais c'est toujours passionnant à lire  pouce

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#68 27-12-2023 20:46:59

*Samuel
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Merci !

tacheton a écrit :

Comment te guides tu dans ces pays ? pour trouver toutes ces cabanes? parce que là dehors plusieurs jours d'affilé ça doit piquer.

Toujours avec la base donnée OpenStreetMap, que j'utilise par la super application Locusmap. Je peux
par exemple afficher toutes les cabanes et abris, en enregistrer celles proches de mon itinéraire.
En Bosnie l'hiver ça allait, ce genre de journée dans la neige sont supers, surtout avec des cabanes à la fin. Un mois et demi plus tard (le récit a un train de décalage) je suis en Serbie, et l'hiver est franchement rude. Je paye un hébergement bien plus régulièrement.

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#69 27-12-2023 22:24:53

Nicolas36
Marcheur léger
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

*Samuel a écrit :

(le récit a un train de décalage)

Ça fait plaisir de te lire à nouveau. Je m'inquiétais de ne plus pouvoir parcourir tes aventures depuis la semaine dernière.


Modifications non signalées = Corrections de français

Récits-Listes : Brenne - Ecrins et Queyras - HRP par section

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#70 28-12-2023 09:53:19

tacheton
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

c'est marrant je balaye en vitesse le récit parce que je sais que je vais me le refaire intégralité a la fin. Et merci pour ta réponse, je ne savais pas qu'OSM était a ce point détaillé partout.

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#71 28-12-2023 10:33:28

*Samuel
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

tacheton a écrit :

Et merci pour ta réponse, je ne savais pas qu'OSM était a ce point détaillé partout.

Oui c'est assez dingue. Il y a quand même des zones biens moins renseignées et je complète toujours plus ou moins avec google map. Aussi je télécharge les vues satellite sur AlpineQuest pour les zones où il y a des labyrinthes de pistes qui ne sont pas très exactes sur OSM. Et j'enregistre tous les points à ajouter dans la base de données pour y contribuer.  smile

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#72 09-01-2024 16:25:27

*Samuel
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Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Bosnie-Herzégovine : Risovac > Sarajevo (monts Blidinje et Prenj)

19/11/2023 > 01/12/2023
124 km ; D+ 5,6 km ; D- 5,3 km

De Risovac où j'ai passé par surprise une journée off non nécessaire pour le corps mais imposée par la météo, je monte enfin dans les hauteurs du Blidinje par une météo idéale : ensoleillée et sans vent fort. C'est une journée idéale de marche en montagne, je marche sur la neige rarement épaisse, j'enchaîne les crêtes et les sommets, je bénéficie de vues dégagées sur les montagnes aux alentours, et je n'ai pas froid en marchant. Je traverse le coeur du massif dans la journée. Je commence à redescendre et m'arrête la nuit tombée, à l'altitude qui délimite la forêt sous-jacente. Je garde la longue descente en forêt jusqu'à la prochaine ville pour le lendemain matin.

J'arrive enfin à partir avant le lever du soleil. Puisque la température est encore légèrement négative, je plis rapidement mon bivouac sans manger et entame la marche pour me réchauffer. Je marche une petite heure de nuit et bénéficie du lever de soleil tout en marchant en forêt. En plus d'être agréable, c'est d'autant plus pertinent de partir tôt en hiver lorsque les jours sont courts, ce qui évite de m'arrêter alors que mes jambes voudraient continuer, ou de marcher plusieurs heures de nuit le soir (ce que je ferai tout de même aujourd'hui). Montagne enneigée, forêt d'altitude, pistes forestières, routes et hammeaux de campagne, ville. J'ai traversé ces environnements ce matin jusqu'à Jablanica, et la journée est loin d'être finie. Après un ravitaillement au supermarché, je marche 8km en forêt qui me font prendre beaucoup de "retard" par rapport à mes estimations, car je perds sans cesse le ou les pseudo-chemins et avance au GPS entre des arbres fins et rapprochés, qui brandissent leurs rameaux de toutes parts de façon à ce que marcher ici soit particulièrement difficile et agaçant. J'arrive enfin au petit hameau de Ravna, au pieds des monts Prenj, le prochain massif que je souhaite arpenter. La nuit va bientôt tomber, et il me reste 1400m de montée raide en forêt jusqu'à une cabane visée. Je prends quand même le temps de discuter avec quelqu'un - lorsque cela s'offre à moi, je le reçois peu importe mes plans - et m'élance dans cette ascension sportive. J'allume rapidement ma lampe frontale pour trois heures intensives et hypnotisantes par la nuit, la forêt, et l'effort. Certaines portions sont envahies par la végétation, d'autres sont trop raides pour que mon cœur et mes jambes puissent me faire grimper d'un rythme continu. D'autres enfin sont idéales : de petits sentiers moelleux qui slaloment entre les arbres. Peu importe l'heure à laquelle j'arrive, je compte atteindre cette cabane pour y rester le lendemain, car les prévisions annoncent entre 5 et 10 millimètres de précipitations par heure toute la journée ! Sur la fin de l'ascension, mes muscles sont fatigués et peinent à me faire monter. Quand c'est le cas, cela signifie que je ne pourrai pas marcher une étape équivalente le lendemain, mais là c'est le but. J'arrive enfin et comme la veille, la cabane visée, rénovée et fonctionnelle, est fermée à clé. Pour l'utiliser il faut au préalable demander à une association, aller chercher et ramener les clés, impossible pour moi... Cela m'est toujours frustrant de voir des endroits fonctionnels presque inutilisés et inutilisables, fermés alors qu'ils me rendraient service et qu'on ne verrait aucune trace de mon passage. Dormir dehors, c'est ce que je fais habituellement, mais dormir dehors à côté d'un bâtiment vide et fermé, c'est absurde. Toutefois ce soir je surmonte vite la frustration, sans insister à chercher un moyen de tout de même rentrer, notamment car il y a une très vieille cabane en bois à côté. Si je ne compare pas, j'y suis très bien. Pas de poêle et plein de déchets, mais une table et même un vieux lit. Au moins je n'ai pas à couper du bois et m'occuper du feu. J'y passe une très bonne soirée et une journée off, me levant tard et me couchant tôt pour récupérer. La température est stable à 0°C, mais continuellement assis ou couché dans mon sac de couchage, je suis bien, d'autant plus avec la pluie constante dont je suis protégé et qui me fait le plein d'eau.

Après deux grosses nuits, c'est parti pour découvrir le cœur des monts Prenj. J'imagine marcher à nouveau sur une neige qui transforme et sublime l'endroit, sans être très contraignante pour la marche. Mais à ma grande surprise, trente centimètres de neige sont tombés pendant la nuit, et continuent de tomber. Les prédictions météo annonçaient simplement quelques averses minimes de pluie et neige. Cela me questionne, 30cm à 1500m, je monte sur une crête à 1800m, quid de l'épaisseur de neige ? De plus il y a un vent fort et froid accompagné de quelques flocons. Je considère les dangers et les options. Si je ne peux atteindre la cabane visée pour aujourd'hui, il y en a une avant sur mon chemin. Puisque je n'ai toujours pas d'alcool à brûler et que je comptais cuisiner grâce au poêle de la cabane fermée, il me faut être en cabane le jour ou les deux jours qui suivent pour pouvoir manger, car j'arrive au bout de mes vivres froides. Redescendre vers Jablanica n'est par ailleurs pas très rassurant : je m'étais fait la réflexion la veille que je n'aimerais pas faire les portions de montées raides et glissantes en descente, alors encore moins avec de la neige. Je décide d'y aller, et je refais le point régulièrement, voir si je continue ou si je retourne passer une troisième nuit à cette cabane, pour ensuite redescendre à Jablanica et contourner le massif par la route, même si cela ne ferait pas plaisir. Au début en forêt ça va, le sentier est visible et pratiquable malgré la neige. Plus en altitude ça dévient plus compliqué car la neige est plus épaisse et le sentier ne se démarque plus du paysage blanc. Le froid, le vent et la neige qui tombent rendent par ailleurs délicat le fait de consulter régulièrement mon GPS sous mon poncho. Néanmoins rien de dangereux, je pèse toujours le pour et le contre de continuer ou de faire marche arrière si nécessaire. La montée sur la crête est très difficile avec la neige qui m'arrive là parfois jusqu'aux cuisses, puis c'est mieux une fois sur la crête bien que le vent soit glacial et que je cherche continuellement mon chemin. Le sentier passe normalement entre des petits sapins en forme d'arbustes, mais leurs branches sont couchées par le poids de la neige et je dois marcher sur tout ça en faisant de grandes enjambées. Après la crête j'avance plus vite en descente, visant les endroits où la neige me semble la moins épaisse. Toute la journée ainsi que le lendemain, j'aurai de la neige entre les mollets et les cuisses. À ce rythme lent et éreintant, même la cabane proche visée est trop loin pour l'atteindre de jour. Il y a un autre abri encore plus près sur ma carte, je décide d'y aller pour la nuit sans savoir de quoi il s'agit. J'alterne entre des états d'inquiétude, de lutte contre la difficulté technique et physique du moment, et de confiance et de joie d'être là, car ça reste magnifique. J'arrive ainsi plutôt heureux à l'abri répéreré, avec le suspens de découvrir s'il y a un poêle... et je découvre un viel abri en bois abandonné, dont les trois murs sur quatre sont faits de lattes de bois espacées qui laissent allègrement passer le vent la neige. Il y a un dôme d'un mètre de neige à l'intérieur. Bon, soit je continue et m'efforce d'atteindre de nuit la cabane suivante, soit je reste là malgré l'état de l'abri. Il est suffisamment tôt pour aménager l'endroit de façon convenable pour y dormir dans ces conditions. Je pense que c'est préférable, je reste. Grâce à un bac-flanc en bois qui me servira de plafond, j'utilise le footprint de mon tarp pour faire un quatrième mur et entreprends de colmater les interstices entres les lattes de bois avec de la neige. Une fois cela réalisé, je me rends compte que le vent arrive toujours à se frayer un chemin et à recouvrir d'une pellicule de neige mon couchage en deux minutes. Ok, je dois faire un truc béton. Je construit un vrai mur en neige complété par mon footprint, ne laissant qu'une petite ouverture pour rentrer et sortir à quatre pâtes de ce mini-igloo. Je colmate ensuite chaque petit interstice avec de la neige bien tassée. Après une heure ou deux de travail, c'est réussi : ma couchette est suffisamment imperméable au vent pour pouvoir m'y abriter et y dormir. Je suis assez fier de moi. Alors à 17h, me voilà avec tous mes habits dans mon sac de couchage, dans mon petit igloo sous la nuit, avec le vent violent qui frappe à ma porte. Tout va bien jusqu'à demain matin donc. Je mange un peu, pense à la journée de demain, oscille entre inquiétude et satisfaction d'être là, ne sachant pas bien quel regard adopter. Décidément, il n'était vraiment pas prévu autant de neige. La météo de demain sera sans équivoque claire et ensoleillée, sans vent ni précipitations. La neige sera toujours là, mais je pourrai marcher cette fois jusqu'à la prochaine cabane que je sais ouverte, où il y a certainement un poêle. Avec des raquettes et un réchaud à gaz (ou de l'alcool à brûler), ou même juste l'un des deux, toute cette affaire serait bien différente. Il y aurait toujours de la difficulté, mais pas d'inquiétude. Ce soir je me dis une chose : la difficulté est acceptable, mais l'inquiétude n'est pas souhaitable. La difficulté fait partie intégrante de l'aventure. Que ce soit pour se dépasser ou pas, elle est inhérente à la vie et l'affronter peut être récompensé et faire grandir. Mais l'inquiétude pour ma sécurité, ce n'est ni agréable ni utile, sauf comme signal d'alerte face à un danger rationnel. L'inquiétude, la peur de façon plus générale, affecte voire empêche le reste, les autres émotions. La peur est rarement rationnelle, je vois alors deux options pour s'adapter et peut-être changer : l'affronter, ou l'éviter. Ce soir, je me dis que je préfère éviter ce genre de situation et m'épargner cette inquiétude qui se situe dans la zone floue de la rationalité. Quoiqu'il en soit je suis là, je devrai à nouveau affronter difficulté et inquiétude demain, en en profitant autant que possible également, et je projète que je serai fier de moi une fois revenu dans une zone de confort.

Je m'endors tôt, en musique, je passe une bonne nuit et me réveille avec le soleil, comme cela arrive parfois : avec les écouteurs toujours dans les oreilles, me disant que j'ai plongé dans le sommeil sans m'en rendre compte. Je mange quelques amendes et quelques pruneaux, bois deux gorgées d'eau, plis bagage et sors de mon igloo. Voilà qui est splendide : le soleil réchauffe et rayonne dans un grand ciel bleu, sans vent, sans brume, la vue dégagée. Je suis seul en plein milieu des montagnes enneigées, témoin d'un nouveau spectacle adressé à personne mais dont je suis l'heureux spectateur. Je pars ainsi de bonne heure pour cette nouvelle journée, heureux et enthousiaste ! Bien sûr je marche toujours sans raquettes dans une neige qui m'arrive entre les mollets et les cuisses, en cherchant parfois mon chemin, ce qui fait que ma progression est lente et épuisante. Mais il fait beau, et ça change tout. Comme je me rationne en eau depuis la veille, je mange régulièrement la neige compacte qui fond sur les branches des sapins. Je suis aussi rationné en nourriture tant que je ne peux pas cuisiner, mais cela ne me soucis pas particulièrement. En revanche, mes pieds ne se réchauffent pas avec l'effort. En partant j'ai du enfilé mes chaussures mouillées par la neige puis congelées par la nuit à -10°C. Bien qu'il fasse 3°C et que je marche en T-shirt, mes chaussures et mes pieds continuellement dans la neige ne se réchauffent pas. La sensation commune de pieds congelés s'intensifie alors progressivement au cours de la journée, ce qui m'inquiète progressivement aussi. À 13h, j'ai marché 6km en 5h. Contrairement à d'habitude, je trouve que le temps passe lentement. J'ai trouvé une source et l'eau n'est plus un problème. M'inquiétant plus pour mes pieds, je vois deux options. Continuer jusqu'à la cabane, soit 4h de marche, pour y manger, me réchauffer les pieds, dormir et descendre en ville demain. Ou alors,  descendre en ville dès maintenant, par un itinéraire de 25 km en pistes forestières, où j'imagine avancer plus vite d'autant plus une fois sous l'altitude de la neige. Bien que plus éprouvante physiquement, je choisis cette seconde option, car si jamais il n'y a pas de poêle à la cabane, ce qui certes est peu probable, je ne pourrai pas manger jusqu'au lendemain, et là ce serait par contre vraiment inquiétant. Je mange mon dernier sachet de biscuits et c'est parti. Je traverse une grande plaine enneigée et me dirige vers cette forêt. C'est si fabuleux d'être ici, simplement ici à me ballader et me sentir dans ce paysage. Je voudrais continuer ainsi des jours, dommage que je doive écourter ce passage. Une fois en forêt, je me rends compte qu'il est aussi lent et difficile de marcher dans cette neige, même si je ne perds plus de temps à chercher mon chemin. Je donne tout ce que j'ai, et la forêt défile si lentement... Lorsque je regarde le nombre de kilomètres parcourus et restants, je suis pris d'un vertige, il ne faut pas y penser... Me voilà dans une situation où je suis amené à dépasser mes limites physiques malgré moi, au-delà de ce que j'avais imaginé, mais je sais que j'en suis capable. Plus tard ce sera un souvenir. J'en suis capable physiquement, mais mes pieds continuant de se refroidir de manière inédite m'inquiètent de plus en plus. Je ne sais pas si je cours un risque de gelure/engelure avec potentiellement des conséquences, ou pas du tout. J'oscille sur cette échelle du risque sans savoir où me situer. Il me reste 4h de marche jusqu'à un hammeau ou je m'imagine entrer dans le premier endroit pour demander une bassine d'eau tiède et quelque chose à manger. Je tape sur mes pieds avec mes bâtons pour tater ma sensibilité. J'ai perdu toute sensation dans les orteils, je sens encore le reste. Je me rappelle que la durée de vie d'un membre privé d'oxygène lors d'un garrot est de 6h. Ayant les pieds plus ou moins congelés depuis ce matin, je me dis qu'il y a peut-être un risque. Je me décide alors à appeler le 112, pour prendre un avis médical. Nous avons du mal à nous comprendre en anglais, ils décident de venir me chercher sans vraiment savoir quel est le problème, là la situation m'a un peu échappé. Bon, mince, je sais pas si c'est une bonne chose ou pas. J'oscille à présent entre rassurement et regret du tournant pris subitement par cet appel. J'attends une heure ici sur cette piste qui traverse la forêt enneigée, avec la nuit qui s'installe et la lune luminescente qui éclaire les lieux avec une opacité fluctuante, due aux nuages fins qui courent dans le ciel et filtrent une partie de la lumière lunaire. Si j'avais un réchaud, je bivouaquerais bien ici dans la neige et en pleine forêt, orientant l'ouverture de mon tarp de façon à pouvoir regarder la lune depuis mon sac de couchage. Après tous ces efforts, c'est un échec qu'on vienne finalement me chercher. J'entends le bruit du moteur puis je vois la lumière des phares, la voiture-neige arrive enfin. En plus d'être vexé, je suis surtout hyper gêné d'avoir fait déplacer des gens. Je les vois rigoler avec la musique à fond dans la voiture, bon au moins ils ont l'air de passer un bon moment ensemble. Ils et elles sont effectivement très sympathiques et décontractés. Je monte à l'avant de la voiture avec des chaufferettes dans les chaussettes, et c'est reparti. Tout le monde parle, chante, rigole, fume, en musique, c'est la bonne ambiance. Je reste toutefois ambarassé. Ils m'emmènent à l'hôpital de Konjic à 10km car c'est la procédure, même si j'ai simplement besoin d'eau tiède pour me réchauffer les pieds. Je vois alors avec frustration, à travers la vitre de la voiture, ces 10km que j'aurais aimé marcher et qui seront les seuls que je n'ai pas marché depuis mon départ de Tarifa. J'avais même marché illégalement le tunnel de secours de Vielha en Espagne, pour éviter de faire 5km de stop et interrompre la continuité de mon itinéraire pédestre et de mon tracé sur la carte. Ces 10km qui brisent le symbole de cette ligne entièrement continue sont le prix de l'imprévu, de l'inquiétude, de quelques mauvaises décisions peut-être, sans doutes.

On me garde une nuit à l'hôpital pour vérifier que mes pieds se réchauffent correctement. En sortant le lendemain matin, je marche comme un vieillard car la sensibilité n'est pas totalement revenue. J'ai vraiment l'impression de comprendre ce que ça fait d'être vieux, de peiner à traverser le centre-ville à pieds, en voyant avec nostalgie toutes ces autres personnes marcher à grandes enjambées. Il me faudra une dizaine de jours pour retrouver mon entière sensibilité des orteils, cela n'est pas rare ni inquiétant. Je reste cinq jours à Konjic pour récupérer. Je n'avais pas besoin d'autant, mais j'ai laissé passer des jours de pluie continue. Cette péripétie frustrante et vexante, aujourd'hui acceptée, m'a fait reconsidérer la suite. Comme je me l'étais dit, s'il le faut, je m'adapterai à l'hiver un peu par l'équipement, et davantage par l'itinéraire. Pendant ces cinq jours, j'achète une paire de crampons et raquettes ultra-légères, un mini-rechaud à gaz, et je change ma veste qui a un défaut de fabrication pour une veste plus hivernale. Un ami m'enverra le tout par un colis livré à Sarajevo. Pour l'itinéraire, je dois au maximum trouver un compromis pour éviter d'être trop en altitude sans non-plus marcher des jours sur la route. En survolant la carte, cela n'a pas l'air évident au Monténégro et en Albanie qui sont les prochains pays sur ma route, tous deux presque entièrement montagneux. Quoiqu'il en soit je m'adapterai aux conditions, puisqu'on ne peut pas négocier avec avec la météo. C'est à Sarajevo que je prévois de prendre le temps depuis un ordinateur de planifier la suite de mon itinéraire dans les grandes lignes, car j'ai l'embarras du choix. En tous cas, cet événement m'a permis de rencontrer des gens formidables à Konjic parmi l'équipe de secouristes.

Avec la neige déjà tombée et celle qui se rajoute pendant que je suis à Konjic, impossible pour moi de passer par le massif entre ici Sarajevo sans mon futur équipement. Dommage, l'endroit avait l'air majestueux d'après la carte. De Konjic à Sarajevo, je marche alors trois jours le long d'une route nationale, c'est rarement agréable. Pour la première fois, j'ai envie de monter dans un bus ou de prendre le train, dont je longe aussi la voie ferrée. Je n'hésite pas et marche car jusqu'à présent c'est ma règle, seulement cette fois je n'en ressens pas le sens.

La ville de Sarajevo est construite en longueur entre deux montagnes. Je traverse d'Ouest en Est les zones péri-urbaines, l'aéroport, les banlieues et leurs immenses immeubles dont les façades sont encore criblées d'impacts de balles de la guerre, puis la ville moderne, et arrive dans le petit centre-ville historique et touristique situé à l'extrémité Est de la ville, où je vais séjourner dans une auberge de jeunesse. J'arrive fatigué physiquement et mentalement

Me voilà à Sarajevo pour une pause à durée indéterminée, au moins le temps que mon colis arrive. J'ai fait ce détour pour venir jusqu'à cette grande ville, chose inédite puisque d'habitude je les évite naturellement. Sarajevo est également la seule capitale sur mon itinéraire jusqu'à présent. Spontanément, sans beaucoup de raisons, j'ai choisi de faire un détour pour venir ici à pieds. Un attrait pour cette ville historique sans doutes, une ville importante d'une région du monde et de l'Europe qui m'intéresse, au nom qui évoque étrangement un univers inconnu. M'y voilà. Je suis à un carrefour de ma traversée d'Europe. Jusqu'à présent l'itinéraire se dessinait assez naturellement dans les grandes lignes, de façon à relier et traverser les montagnes des différents pays. Depuis Sarajevo, je prévois à priori de continuer ensuite vers le Monténégro et l'Albanie, ce qui offre déjà un éventail de possibilités. La suite en Macedoine, en Bulgarie, peut-être en Grèce, est aussi à dessiner. Je pourrais également passer un peu par la Serbie et le Kosovo. L'avantage d'avoir le temps et d'être même forcé d'en prendre à Sarajevo, c'est que je ne suis pas pressé pour remplir ces impératifs, découvrir la ville, etc. Je peux me laisser porter.

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Ascension dans les monts Blidinje avec vue sur le lac du même nom. Je viens d'en face.

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Journée idéale dans les hauteurs du Blidinje

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Une décharge publique dans les montagnes à 10km avant Jablanica. Je vois le camion faire des allers-retours entre la ville et la décharge. Quand je jeterai mes quelques déchets dans une poubelle de la ville, ils reviendront donc ici. Lorsque le camion repart, les chiens errants et les corneilles viennent se disputer la nourriture du nouvel arrivage. Il y a sinon régulièrement des petites décharges improvisées partout dans la nature, au bord des cours d'eau, à la sortie des villages. Même si cela surprend, choque, ou questionne notre rapport à ce qu'on appelle "l'environnement", les pays plus riches et peut-être plus propres en apparence, ont bilan carbone par habitant bien plus élevé dont les impacts sur l'environnement, l'humain et la vie, sont bien supérieurs.

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La Neretva, un des principaux fleuves de Bosnie-Herzégovine, ici depuis les hauteurs au-dessus de Jablanica.

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Au pied des monts Prenj

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Dans mon petit igloo

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Journée magnifique au cœur des monts Prenj. Le mètre de neige n'était pas prévu. C'est splendide, il ne manque que les raquettes.

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#73 09-01-2024 19:17:27

Baloofix
Membre
Lieu : Grenoble
Inscription : 03-12-2017

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Bon courage. Et n'aie pas trop de remords pour ces 10km.
Une petite question: pour cette traversée des Balkans, qui a connu des conflits, pas de risque de mines ? Des zones sont clairement contre-indiquées ?

Dernière modification par Baloofix (10-01-2024 08:27:01)


Je préfère le vin d'ici à l'eau de là.
Il n’est de merveille sans rareté, il n’est de rareté sans quête.
"Les esprits valent ce qu'ils exigent, je vaux ce que je veux" Paul Valéry
Edit sans précisions = corrections orthographiques

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#74 09-01-2024 22:25:58

ASM
Membre
Inscription : 22-09-2016

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Je continue à te suivre dans ton périple.
Tu arrives en hiver dans des pays montagneux. Pour y être passé à l'automne et au printemps, je me suis rendu compte que le climat y est rude. Par exemple, je me suis trouvée deux fois au pied du sommet de la Bosnie sans arriver à le gravir, c'est pourtant un sommet pas très haut (2386m).

Ce dernier récit m'a fait un peu penser à mon bivouac 52-60 pendant lequel j'ai brassé la neige jusqu'aux cuisses voir jusqu'à la taille et où j'ai passé une nuit inquiète pour ma sécurité.

Le froid aux pieds, c'est vraiment quelque chose de difficile à gérer quand il fait froid (et ici, tu parles de -10°).
Je vois que tu as des chaussures Mid. Avais tu des guêtres pour 'un peu' éviter que la neige ne rentre à l'intérieur ?
De toute façon, au bout d'un moment, je pense qu'il est inévitable d'avoir les chaussures mouillées et sans solution de chauffage (poêle ou réchaud), difficile de pourvoir les faire sécher.
Ne rien avoir mangé de chaud depuis quelques jours n'a rien dû arranger.

Tu as pris la bonne décision de redescendre et de demander de l'aide. Tes pieds en avaient besoin et tant mieux si tu as pu récupérer.
Je ne suis pas médecin mais je m'interroge. Après avoir eu aussi froid (limite engelure-gelure), tes pieds ne seront-ils pas plus sensibles au froid maintenant ?

Dernière modification par ASM (09-01-2024 22:27:15)

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#75 09-01-2024 22:39:41

steves
Membre
Inscription : 16-10-2012

Re : De Tarifa à Istanbul, une marche à travers l'Europe

Salut,

pour les pieds peut-etre pourrais-tu ajouter des chaussettes neoprene, c'est assez efficace pour garder la chaleur...
Et encore merci pour ton retour c'est un plaisir de te lire!

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